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Plus Belle la Vie : Lucie, Ange Gardien de Jean-François – ou le retour du surnaturel dans la narration

AddictionsPsychologie

21 janvier 2013

Les fans de Plus Belle le Vie, le feuilleton quotidien diffusé par France 3 depuis de nombreuses années, ont pu découvrir au moment des fêtes de fin d’année l’incursion d’un nouveau personnage, Lucie. Retour sur la place du surnaturel dans le récit de fiction et donc, sur notre psychologie à tous.

Rappel des faits

Au moment des fêtes de fin d’année, Jean-François, Brigadier Chef au commissariat du Mistral[1], traverse une période difficile. L’une de ses deux ados (Jean-François, divorcé, à deux filles jumelles élevées par leur mère et leur beau-père) refuse catégoriquement de le voir. Jean-François s’en veut car il se sent coupable. C’est en effet une réflexion malheureuse faite à sa fille Léa à propos de son orientation sexuelle qui a blessé cette dernière et rompu toute communication entre le père et sa fille.

Jean-François avait prévu de passer le réveillon de Noël dans la famille de son ex-femme, auprès de ses enfants. Etant devenu indésirable, il est obligé de changer ses plans au dernier moment. Désespéré par cette situation, après mure réflexion et plusieurs verres d’alcool, il s’embarque à l’extérieur de la ville, sur une corniche, muni de son arme de service …

Seul dans son auto, loin de tous et au milieu de nulle part, il s’apprête à commettre l’irréparable. Son arme de service à la main, il arme le geste définitif – et c’est alors qu’une jeune femme affublée d’un sac à dos et d’un bonnet blanc frappe à la porte de sa fenêtre. Jean-François baisse sa vitre, donne son chemin à la jeune femme puis referme sa glace, prêt à reprendre exactement là où il en était juste avant d’être dérangé par cette importune inattendue.

Ce n’est que lorsqu’il appuie sur la gâchette de son revolver que Jean-François réalise qu’elle n’est pas chargée. Dans le plan suivant, le spectateur découvre la jeune-femme, sourire aux lèvres, l’air malicieux et satisfait, jetant six cartouches dans une poubelle …

Les Anges Gardiens au cinéma

It's a wonderful life

It’s a wonderful life, de Franck Capra

Avec l’arrivée de Lucie dans la série, les scénaristes de pblv renouent avec une vieille tradition du cinéma. Dans « It’s a wonderful life », signé par Franck Capra en 1946, c’est un ange gardien qui vient au secours de James Stewart après que ce dernier ait sauté du haut d’un pont pour mettre fin à ses jours. Dans Liliom, réalisé par Fritz Lang en 1934, c’est sous les traits d’Antonin Artaud qu’un ange gardien essaie de sauver le personnage principal du film éponyme. Plus proche de nous, dans « Ghost » en 1990, Jerry Zucker faisait revenir Patrick Swayze sur Terre pour sauver sa fiancée Demy Moore des griffes de l’affreux Tony Goldwin, et rétablir par la même la vérité sur son assassinat.

On pourrait longtemps continuer ainsi la liste des œuvres cinématographiques faisant intervenir des personnages célestes et renouant ainsi avec une tradition sans doute aussi ancienne que la tradition du récit elle même.

Pourquoi certaines histoires aident la guérison

Ce blog étant consacré essentiellement à l’hypnose et à la psychologie, il est temps sans doute de faire le pont entre les histoires de cinéma et de télévision, et l’art délicat de guérir les maux avec des mots – et de rappeler au passage que les comtes et les histoires sont au cœur de la psychothérapie par hypnose.

Ceci est bien naturel, car quoi de plus hypnotique qu’une histoire, commençant notamment par le fameux « Il était une fois … ». Une des principales vertus thérapeutique d’une histoire est qu’elle active l’imaginaire de l’auditeur. Ainsi, sans même s’en rendre compte, le sujet écoutant une histoire sort naturellement de son cadre de référence et entre spontanément dans un univers ou l’impossible devient possible.

De toutes les figures métaphoriques, celle de l’Ange est certainement l’une des plus activatrices. Loin d’imposer l’adhésion à un quelconque système de croyances, l’Ange Gardien symbolise les ressources auxquelles le héros accède spontanément – ressources qui jusque là lui étaient cachées. Cette étape est nécessaire à la transformation personnelle du héros – transformation qui lui permettra d’accomplir sa quête jusqu’au bout.

Le Voyage du héros – spéciale dédicace à Joseph Campbell

Dans Star Wars, c’est le vieil Obi-One Kenobi qui initie le jeune Luke Skywalker à l’invocation d’une autre forme d’ange, La Force des chevaliers Jedi. Encore une fois, l’accès au surnaturel est utilisé puisque pour se transformer, le héros doit quitter son cadre de référence habituel – même si dans la dimension « réelle » de l’histoire, le surnaturel peut être vu comme une simple métaphore.

Dans le cas de Jean-François, Lucie peut simplement symboliser son propre instinct de survie, ou une soudaine prise de conscience … ou son Ange Gardien « pour de vrai », pour ceux et celles à qui ce champ de croyances convient J En réalité, l’essentiel est que le héros passe par le schéma suivant :

1 – Une situation problématique – dans le cas de Jean-François, sa fille le désavoue.

2 – Une étape de désespérance – le héros ne voit aucune issue possible. Dans le cas de Jean-François, il envisage de mettre fin à ses jours.

3 – L’aide « miraculeuse » intervient, sous les traits d’un Ange, d’une fée, d’un vieillard ou encore d’un lutin – dans certains récits, l’aide peut prendre la forme d’une amulette, d’une formule magique ou d’une drogue spéciale (dans Limitless en 2001, Bradley Cooper devient un génie grâce à une pilule magique – le rêve de tous les étudiants !-).

4 – Le héros, grâce à cette aide inattendue, ressort victorieux de l’épreuve. L’aide qui au départ était extérieur s’avère in fine avoir grandi et transformé le héros d’un point de vue intérieur.
Les belles histoires aident à se faire du bien

La symbolique du voyage du héros est un thème extrêmement riche. Nous pouvons retenir l’importance symbolique du surnaturel, dans la mesure où le surnaturel rend l’impossible possible.

Par ailleurs, il est intéressant de souligner le fait que même si l’aide au départ est extérieur, le héros se l’approprie et réalise à postériori que les capacités nécessaires étaient déjà présentes en lui, au moins à l’état lattant – l’aide surnaturelle devient alors une espèce de catalyseur.

Enfin rappelons que tout spectateur s’associe sans s’en rendre compte à l’histoire dans laquelle il entre au point de ne plus voir le temps qui passe. Chaque protagoniste fait alors raisonner autant de cordes sensibles chez chacun et amorce, lorsque c’est pertinent, une lente et bienheureuse transformation intérieure, à la fois consciente et inconsciente.

Merci aux scénaristes de Plus Belle la Vie d’avoir su pour les fêtes de fin d’année renouer intelligemment avec la magie de l’existence 🙂

Jean Doridot
Psychologue


[1] Pour ceux qui ne connaissent pas la série, le Mistral est le quartier fictif de Marseille où prennent place les aventures des différents protagonistes de la série Plus Belle la Vie.

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